Légère comme une Björk

ELLE, 24 novembre 2017

Remise de sa rupture avec Matthew Barney, la géniale islandaise revient avec un album lumineux et plein d’espoir : « Utopia ».
Un paradis sonore, l’harmonie d’une harpe enchanteresse, la pulsation des beats... tel est ce nouvel opus.

Cet album est d’une incroyable intensité...
C’est exactement ce que je voulais. Un album dans lequel l’auditeur s’immerge totalement, comme s’il faisait un voyage au pays des sons et se retrouvait dans un lieu imaginaire, une sorte d’utopie musicale où il se sente bien et qu’il puisse explorer à loisir.

Comment passe-t-on de « Vulnicura », qui évoquait votre douloureuse séparation, à ce solaire « Utopia » ?
L’expression « le temps guérit les blessures » est vraie. En fin de compte, nos cellules se chargent naturellement de cette évolution. Mais j’ai remarqué qu’après avoir arrangé, mixé et joué « Vulnicura », où je m’apitoyais longuement sur moi-même, j’avais soif de légèreté. Pendant des mois, avec des musiciennes islandaises, on a répété tous les vendredis, jusqu’à ce que leur son soit le plus aérien possible. L’idée était de faire peau neuve, et de rayonner.

Dans une interview, vous avez dit croire en un monde meilleur, un matriarcat. Les jours du patriarcat sont-ils comptés ?
En tout cas, ceux du patriarcat tel qu’on le connaît. Mais, ne vous méprenez pas, j’aime autant le masculin que le féminin. En musique, par exemple, je suis fan de techno très brutale. Les deux éléments doivent coexister. Mais dans les matriarcats, les femmes sont plus désintéressées, elles laissent aux hommes assez d’espace pour grandir, s’exprimer. Elles sont fières d’être nourricières. Les hommes, en tant que leaders, ne sont pas tellement préoccupés par l’épanouissement des femmes. Je donne toujours comme exemple la marque Comme des Garçons, et la manière tellement inspirante dont Rei Kawakubo a laissé s’exprimer Junya Watanabe ! Impossible à imaginer dans une maison dirigée par un créateur de mode homme.

Que vous a apporté le fait d’avoir révélé le comportement abusif de Lars von Trier à votre égard ?
En parler a été très difficile, mais incroyablement libérateur. Je me sens littéralement plus légère, soulagée d’un poids énorme. Surtout que, à l’époque, des ragots avaient été colportés sur moi, comme si on voulait me punir. C’était une volonté de ruiner ma réputation, car j’avais refusé de me soumettre. On a voulu me faire passer pour une folle ingérable, ça a été très douloureux. Et ça n’a rien à voir avec ce que je suis. Aujourd’hui, je me sens aussi plus reliée à toutes les femmes du monde, et je les soutiens de toutes mes forces.

par Florence Trédez publié dans ELLE

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