Christopher Cunningham, connu sous le pseudonyme de Chris Cunningham, est un vidéo-plasticien britannique né en 1970 à Reading en Angleterre.
Il a grandi à Lakenheath dans le Suffolk. Adolescent, il réalise, dans son garage, ses premières vidéos expérimentales et s’entraîne à reproduire les effets spéciaux des films d’horreur.
« Lorsque j’étais jeune, tout ce qui touchait à la technique me passionnait. Même si je prenais du plaisir à regarder des films, ce qui m’intéressait vraiment était de découvrir la manière dont ils étaient fabriqués. » [5]
Ses débuts
Alors qu’il s’apprête à passer son bac, il sèche les cours pour présenter son portfolio aux Studios Pinewood près de Londres. Le réalisateur Clive Barker est en train d’y réaliser un film d’horreur entouré d’une équipe très jeune. Engagé à la réalisation des effets spéciaux ; il y travaille pendant deux ans.
« À 17 ans, je fabriquais les monstres des films d’horreur de Clive Barker. j’ai travaillé aussi pour Spitting Image (l’équivalent anglais des Guignols de l’info) où je sculptais des marionnettes de personnalités comme Mick Jagger ou l’actrice Thora Hird. Puis, j’ai travaillé sur Alien 3 de David Fincher (sorti en 1992) ».
« Je voulais améliorer ma technique de dessin, aussi j’ai passé du temps à illustrer des bandes dessinées, comme 2000AD - et notamment le numéro spécial Judge Dread sous le pseudonyme de Chris Halls. » [6]
Sa version de Judge Dread est remarqué par le réalisateur Danny Cannon qui l’engage sur les effets spéciaux de l’adaptation du comic au cinéma. Cette collaboration le conduit à travailler sur le film A.I. (avant qu’il ne soit piloté par Steven Spielberg). Stanley Kubrick a entendu parlé de son travail sur Judge Dread par l’intermédiaire du directeur artistique de Shining.
« C’était une période très déprimante : j’avais conscience d’avoir le travail rêvé, qui me correspondait le mieux, et pourtant il ne ressemblait pas du tout à l’idée que je m’en étais faite. C’est là que j’ai commencé à écouter en boucle la musique d’Aphex Twin, en prenant des tonnes d’acides. Cette période décisive m’a conduit à découvrir de nouveaux domaines artistique, comme la mode et la photographie. » [7]
Les vidéo clips
C’est en tant que réalisateur de clips qu’il se fait véritablement connaître. Sa rencontre avec les membres d’Autechre en 1995 est décisive. Il réalise pour le duo visionnaire de l’écurie Warp son premier clip, Second Bad Vilbel, qui est vite remarqué pour son originalité et diffusé en boucle sur MTV.
Débute alors une collaboration de longue durée avec le label anglais pour lequel il réalise les vidéos de Jimi Tenor, Squarepusher (Come On My Selector - 1998) et ceux d’Aphex Twin (Come To Daddy - 1997, Windowlicker - 1998) dont l’univers déroutant marque les esprits.
Come To Daddy fonctionne bien en Europe et aux États-Unis et le clip remporte six prix dont deux prix d’argent aux D and AD Awards en 1998.
« Chris est la seule personne avec laquelle je ne me lasse jamais de travailler », confesse alors Aphex Twin.
Ce succès lui permet alors de collaborer avec des artistes plus connus comme Portishead (Only You). Entre 1996 et 2017, il réalise une trentaine de clips notamment pour Madonna avec Frozen, Leftfield, Placebo ou encore Björk en 1999.
All is full of love
C’est avec un livre de Kama-Sutra sous le bras que Björk rencontre Cunningham afin de lui confier la réalisation du clip du dernier single d’Homogenic, All Is Full of Love. L’idée principale est de représenter le sexe en faisant appel au savoir-faire dans la robotique du réalisateur. À l’origine, la vidéo doit se conclure en plein surréalisme, en associant des images réelles à des graphismes 3D, ouvrant ainsi la porte à des plans-séquences plutôt explicites. Mais le duo préfère s’en tenir à d’ingénieuses évocations.
Chris Cunningham se dit très satisfait par leur collaboration. Un enthousiasme partagé, avec le décernent de nombreuses récompenses, dont un 2e prix Imagina (Prix Pixel-INA) pour le scénario. [8]
« Björk est l’une des rares artistes avec l’image desquelles on peut jouer sans que cela l’ennuie : à l’inverse, elle sait tirer profit de son image de caméléon. J’avais cette idée en tête lorsque nous nous sommes rencontrés, pour moi c’était une opportunité à ne pas manquer. Elle m’a envoyé des dessins du Kama Sutra, et je savais qu’elle voulait également travailler sur l’intelligence artificielle. Je me suis alors rendu compte que j’étais fasciné par les robots depuis longtemps, et que ce clip était l’occasion de réaliser quelque chose de pornographique, ou plutôt de sexy et suggestif, sans que cela soit censuré, en mettant des robots en scène, tout en permettant que Björk y participe.
Au final, on voit un robot qui semble chanter doucement pour lui-même. La chanson est très calme, et les images essayent de s’y adapter.
Installations vidéos et publicités
En plus de son activité de réalisateur de clips, il réalise des publicités et crée aussi des installations vidéo comme Monkey Drummer, qui met en scène un singe-robot jouant de la batterie.
Un artiste polyvalent
Chris Cunningham est également aquarelliste, sculpteur, peintre et photographe. Ses dessins et photos sont, pour partie, visibles dans les livrets des DVD The Work of Director Chris Cunningham et Rubber Johnny.
Rubber Johnny
En 2005, sort le court-métrage Rubber Johnny, dans lequel il interprète le rôle principal, celui d’un enfant mutant hyperactif, enfermé dans une cave avec son imagination fiévreuse et son chien terrifié pour seuls compagnons. Pour ne pas s’ennuyer dans le noir, il s’amuse à se transformer.
Il lui aura fallu quatre4 années pour penser, réaliser, monter ces six minutes imaginée à partir d’un titre d’Aphex Twin (Afx 237 v.7, paru sur l’album Druqks)
Après Monkey Drummer et Flex 2000, c’est la 3e fois que Chris Cunningham utilise une composition d’Aphex Twin.
Une envie de cinéma
Il a travaillé sur plusieurs adaptations notamment celle du livre Neuromencien de William Gibson et la BD de Liberatore Ranxerox qu’il a finalement abandonnée, souhaitant écrire son propre scénario afin, dit-il, d’imposer son style.
Hélas, aucun de ses projets de long-métrage n’a, pour le moment, abouti et aucun futur projet n’a été dévoilé.
Son univers
Son univers est très sombre voire cauchemardesque. On y croise des créatures inquiétantes (Come to Daddy), ou des personnages au sourire angoissant (le fameux masque représentant Richard D. James). Deux thèmes ressortent essentiellement de ses vidéos : l’anatomie humaine (Engine, publicité pour Nissan, Rubber Johnny ou Mental Wealth, publicité pour la Playstation) et les machines (Second Bad Vilbel de Autechre ou Monkey Drummer), le clip de All is Full of Love combinant ces deux thèmes.
Il est très attaché au rythme et aux détails, ainsi, le clip de Come on My Selector de Squarepusher, met en scène un personnage montant des escaliers au moment même où la mélodie est constituée d’une succession de notes montantes.
Il trouve ses idées en marchant dans la rue ou en écoutant de la musique. "« Parfois un son dans une musique déclenche chez moi un souvenir ou un rêve qui lance le processus..." Pour Come to Daddy, Chris Cunningham a utilisé sa propre expérience : adolescent, il se faisait poursuivre par des enfants, plus jeune que lui, et qui le maltraitait. Ainsi retrouve t-on dans le clip des enfants au visage d’Aphex Twin qui terrorisent tous ceux qu’ils croisent. »
Sa relation à ses œuvres
Très anxieux du résultat, Cunningham a rarement confiance en la qualité de ses projets et surtout il ne veut connaître l’avis de quiconque. Une fois un projet terminé, il trouve toujours une partie ratée qu’il voudrait refaire. Quand on l’interroge sur la sélection d’une dizaine de clips seulement sur le DVD The Work of Director, alors qu’il en existe une vingtaine à sa sortie, il répond que les autres sont des "merdes absolues"... Ainsi il explique "C’est rare que je réussisse à réaliser pleinement ce que je voulais. A une plus ou moins grande échelle, mes vidéos ne sont qu’une approximation de ce que j’avais en tête"
Par ailleurs, il se dit assez en colère lorsque l’une de ses idées est reprise. Ainsi, il a critiqué sévèrement le film I:robot dont les robots ressemblent étrangement à ceux du clip de All Is Full of Love...
« On dit que je suis supposé en être flatté, mais ce n’est pas le cas. Je suis tout simplement dégoûté. Ce qui est frustrant, c’est que ces copieurs touchent un plus large public que moi, du coup, il y aura toujours quelqu’un pour dire que c’est moi qui ai copié. Je n’apprécierais pas que quelqu’un vienne me voir en disant "Le robot dans le clip que tu as fait pour Björk, tu l’as copié sur celui de I :Robot, non ?". Le problème, si l’on trouve une bonne idée et que tout le monde s’en inspire, cette idée devient représentative d’une année, les gens s’en lassent, et on te met dans une case pour cette seule idée. »
Ses références cinématographiques
« La trilogie Star Wars est une influence majeure. Tous ces costumes blancs sur un fond noir, ça a tellement de classe... Par contre, ce qu’ils en ont fait ensuite avec la réédition en 1997 est un crime. »
Quant à Kubrick, j’ai commencé à travailler avec lui à l’âge de 23 ans, mais cela ne m’a pas intimidé. Je traversais un stade au cours duquel j’étais surtout préoccupé par mes propres idées. J’avais la tête ailleurs (ndrl. période acide ;-)). J’ai toujours aimé son travail, mais je ne suis pas un fan hardcore. La première fois que j’ai vu Shining et Orange Mécanique, j’avais 18 et 19 ans. Le seul film de lui que j’ai vu enfant c’est 2001, l’Odyssée de l’espace.
Cunningham considère Blade Runner de Ridley Scott comme quelque chose d’ « énorme ». « J’avais vu des images tirées du film dans des magazines, mais elles ne m’avaient alors pas interpellé - peut-être parce que j’avais grandi avec Star Wars depuis mes 7 ans, et que Blade Runner n’avait pas l’air aussi technique. Quand je l’ai vu en vidéo, j’avais alors 12 ou 13 ans, c’est devenu instantanément mon film préféré. D’un point de vue visuel, ce film ne m’a pas du tout influencé. En fait, mon univers esthétique est radicalement opposé à celui de Ridley Scott. Mais ce qui caractérise son travail dans Blade Runner et Alien et qu’il multiplie des détails et créée de toutes pièces un monde dense et complexe.
J’aime lorsque les choses sont réduites au strict minimum. J’ai grandi dans les plaines nues du Suffolk, juste à côté d’une base aérienne. Le contraste entre les grandes étendues désertes et le bourdonnement constant des moteurs des F-111 a eu sur mon travail une influence majeure ».