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Björk envoûte Fourvière

Lyonmag.com, 2 juillet 2012

La fée islandaise, beauté diaphane et voix cristalline, s’est posée samedi soir à Lyon. Une parenthèse enchantée dans l’édition 2012 des Nuits de Fourvière, pour un spectacle époustouflant d‘1h45 devant les 4 500 spectateurs du théâtre antique.

Et dire que Björk aurait pu ne jamais voir Fourvière. De l’aveu même du directeur des Nuits de Fourvière Dominique Delorme, sa venue à Lyon est le fruit d’un labeur de plusieurs années avec ses équipes. Une approche de longue haleine qui s’est finalisée pour la 19e édition des Nuits. "Avec Björk, tout s’est décidé autour d’une bière", confiait Delorme en mars dans une interview sur les ondes de Jazz Radio. Mais quelques mois plus tard, les 4 500 chanceux ayant réussi à arracher un ticket pour l’étape lyonnaise de Björk, retenaient leur souffle. Fragilisée par un nodule, l’Islandaise se voit contrainte d’annuler sa participation à deux festivals début juin. Son passage à Fourvière est toutefois maintenu, pour la deuxième et dernière date française de sa tournée, après les arènes de Nîmes quelques jours auparavant. Seul aménagement notable : le concert est avancé à 21h pour préserver du froid l’organe fragile de la chanteuse.

Son arrivée sur scène est précédée par celle de ses choristes. 13 jeunes filles, adolescentes, jeunes femmes. Quel âge ont-elles réellement ? "On dirait des sirènes", murmure-t-on dans la fosse. Leur entêtante complainte d’ouverture annonce Cosmogony, premier titre de l’album Biophilia, dont Björk interprétera huit morceaux. Deux musiciens rejoignent leur poste. Ils tiennent plus de l’ingénieur du son et du programmateur informatique. La musique est dématérialisée dans les machines, les écrans tactiles, les tables de mixage. Seule une batterie électronique rappelle la matérialité originelle du son, devenu aérien. Au fond de la scène, trois écrans doublent la performance avec un set quasiment ininterrompu de VJing. Dans sa robe bleu électrique, perruque rousse, Björk module, accompagne ce chaos organisé de sa voix si singulière. Le spectateur est transporté dans une expérience musicale qui bouscule tous ses sens. Les infrabasses soulèvent le ventre, le chorus berce. Björk termine l’interprétation de Crystalline, en milieu de concert, dans un tempo arythmique de drums & bass, virant parfois à la jungle. Jubilatoire.

Car Björk ne s’écoute pas. Sa musique est une invitation au voyage, volontaire ou contrainte. L’oreille n’est qu’une porte d’entrée a minima dans son univers. Ce n’est pas la seule. Le spectateur ne le sait pas, peut être cela s’est-il joué malgré lui, mais l’Islandaise a déjà modifié son état de conscience. Il est en éveil. L’expérience est saisissante. De Hunter à Joga, le son enrobe, pénètre, envoûte. Un transport musical exacerbé lors de l’interprétation de Nattura, que Björk dédie à Eyjafjöll, ce massif volcanique islandais dont le panache a embrumé l’Europe pendant plusieurs mois en 2010. Stromboscope sur la foule et pluie d’étincelles sur scène. Cette puissance créatrice, dynosiaque, s’achève dans le dernier morceau joué, Declare Independence. Un passage fracassant pour la fée islandaise, repartie aussi légère qu’arrivée, et qui aura prêté pour un trop court instant ses folles ailes au public lyonnais.

publié dans Lyonmag.com