Vidéoclip magnifié

Le Devoir , 19 octobre 2016

« Björk Digital » transpose le travail de l’artiste islandaise en réalité virtuelle

Jusqu’au 12 novembre, la galerie DHC/ART du Vieux-Montréal accueille la rétrospective Björk Digital, une plongée au coeur de l’univers visuel et technologique de la musicienne islandaise qui visitera d’ailleurs Montréal les 25 et 26 octobre prochains, à l’invitation de la Red Bull Music Academy. Au programme de cette exposition, une sélection des vidéoclips de l’artiste, une relecture de son projet d’application musicale Biophilia, ainsi qu’une série de cinq oeuvres en réalité virtuelle inspirées des chansons de son plus récent album, Vulnicura.

En somme, Björk Digital témoigne de l’intérêt que porte l’Islandaise à l’art contemporain et à l’utilisation des technologies numériques.

Suite logique

« Je dirais que cette musicienne a toujours démontré beaucoup d’ouverture pour toutes sortes de formes d’art et qu’à cet égard, la réalité virtuelle est simplement une autre manière pour elle de créer une expérience intimiste avec l’auditoire, tout en conférant à l’artiste visuel un plus grand pouvoir » qu’avec le vidéoclip traditionnel, résume Paul Clay, producteur exécutif de la biennale d’art Festival international de Manchester, qui met sur pied cette exposition itinérante.

Après Sydney, Tokyo et Londres, à Montréal de brancher ses casques de réalité virtuelle (VR) pour les fans de Björk, les premiers intéressés par cette exposition qui ne propose véritablement qu’une seule nouveauté, l’oeuvre Family, dévoilée chez nous en première mondiale.

Réalisée par le vidéaste californien Andrew Thomas Huang, sous la direction artistique de Björk et l’artiste multidisciplinaire new-yorkais James Merry, Family propose de loin la plus captivante, la plus interactive, expérience de réalité virtuelle de l’exposition, alors que de splendides décors synthétiques défilent autour de nous et qu’une sorte de Björk fantomatique chante à nos côtés. D’une durée d’environ huit minutes, l’expérience coiffe les quatre autres oeuvres auparavant présentées dans ce parcours d’une durée approximative d’une heure.

Or, les initiés de l’oeuvre de la musicienne islandaise auront sans doute déjà tout assimilé du reste de cette exposition. Les deux autres réalisations de Thomas Huang, Black Lake et Stonemilker, peuvent déjà être consultées sur YouTube ; la version en réalité virtuelle du clip de Black Lake (une commande du Museum of Modern Arts de New York) n’apporte pas grand-chose de nouveau à la version 2D que nous connaissions déjà, alors que la seule valeur ajoutée au clip VR de Stonemilker est de pouvoir l’écouter avec le casque approprié (ceux qui le possèdent déjà peuvent vivre l’expérience sur youtube.com). De la même manière, la version VR de Mouth Mantra ne se démarque pas franchement de sa version vidéoclip ; en contrepartie, l’expérience virtuelle du clip de Quicksand est nettement plus saisissante, fusionnant une performance live de l’artiste avec des images de synthèse.

Balbutiements

« En tant qu’outil de création artistique, on n’est encore qu’au début de l’utilisation de la technologie de la réalité virtuelle », estime Paul Clay, qui prédit que les artistes sauront bientôt utiliser tout le potentiel de ces technologies. Pour l’heure, Björk Digital passe pour une sorte de version magnifiée du bon vieux vidéoclip. Or, s’il faut saluer l’enthousiasme de la musicienne islandaise pour ces nouveaux outils de création, la sélection de vidéoclips présentés sur grand écran et en haute résolution audio constitue une preuve encore plus convaincante de la richesse de l’imaginaire et de l’esthétique que Björk a su déployer ces vingt dernières années.

par Philippe Renaud publié dans Le Devoir