Icône givrée

DS magazine , 2002

Un bébé, deux DVD, un best of, un single et un coffret, cet automne,
Björk a décidé de faire parler d’elle.
L’occasion de glisser son petit monde enchanté entre les lamelles
de notre microscope électronique.

Pop star internationale, bête de mode, actrice étonnante, Björk est une surdouée, un être hybride doté de superpouvoirs : une voix électrisante, un instinct sûr, et la capacité rare de rester ultrabranchée tout en vendant des millions de disques. Etrange et attendrissante comme un personnage de dessin animé, Björk ressemble à un elfe, le sens commercial en plus. A peine sortie de la maternité, son petit dans les bras, la poupée barrée assure ses arrières, et sort dans la foulée : un best of dont les titres ont été choisis par ses fans sur le web, le coffret de six CD Family Tree, le single inédit « It’s in Our Hands », le DVD de son concert enregistré en décembre 2001 au Royal Opera House, et la réédition enrichie de Volumen, le DVD de ses clips. De quoi pouponner tranquille sans pour autant se faire oublier. Animée d’une énergie qu’elle ne contrôle pas toujours, la diva islandaise est une boule de feu qui fascine ou qui agace, mais ne laisse pas indifférent. Petit survol de la planète Bjork, de sa naissance à Reykjavik à la sortie de son dernier single, histoire de choisir son camp.

La Planète Björk

De glace ou de feu, huit clés pour décrypter la personnalité d’une artiste en orbite :

Le Résumé
Graphique et énigmatique, le livre de Björk sort en 2001. Comme une introspection, elle y livre quelques clés pour pénétrer son univers : des dessins, des poèmes, des photos et des extraits de livres qui l’ont marquée. On y découvre, notamment qu’elle est une grande fan de l’invincible Michael Jackson.

La Pop Star
Envoyée à 5 ans dans une école de musique, Björk sort son premier album à 11 ans, un disque pour enfant qui se vend à 5 000 exemplaires. Un an plus tard, elle se laisse emporter par la vague punk, se teint les cheveux en orange, se rase les sourcils et intègre Spit and Snot, son premier groupe, avant de rejoindre plus tard Exodus, puis Tappi Tirakass, Kukl et Sugarcubes.

Les Coups Durs
Cambriolée le mois dernier pendant son sommeil dans son appartement londonien, Björk n’en est pas à sa première agression. En 1996, la police intercepte un colis piégé à son attention, cadeau empoisonné d’un fan perturbé, qui finira par filmer son propre suicide. Terrorisée, Björk quitte alors l’Angleterre pour l’Espagne, avant de revenir, une fois le traumatisme passé.

La Progéniture
Deux enfants sur le livret de famille : la petite dernière se nommerait Bjarcar ou Isadora, selon les sources, née à Londres le 4 octobre dernier. Seule certitude, le père est l’artiste américain Matthew Bamey. Quant à l’aîné, Sindri, il est déjà adolescent. Fruit de sa liaison avec Thor Eldon, guitariste de
son ex-groupe Sugarcubes, Björk l’a eu à 20 ans. Mère-copine mais ultravigilante, c’est pour protéger son premier fils des caméras, à l’aéroport de Bangkok, qu’en 1996, elle se jette sur une journaliste. En voulant garder le contrôle sur sa vie privée, Björk a perdu le sien. Les images font le tour de la planète : beaucoup de bruit pour rien.

Le Clan
Ses parents séparés quelques mois après sa naissance, Björk Guðmundsdóttir, de son vrai nom, grandit dans une maison toujours pleine, au son des disques de Jimi Hendrix, Janis Joplin et Frank Zappa de son hippie de mère. Le week-end, elle va chez ses grands-parents manger des glaces et du porridge, ravie de passer des heures en silence auprès de sa grand-mère artiste peintre. Quant à maman Björk, elle a récemment entamé une grève de la faim pour protester contre l’implantation d’une usine dans le paysage lunaire d’Islande.

La Bête de Mode
Fashion victim ? Certainement pas, Björk est mieux que ça, une prescriptrice de tendances. Elle ne suit pas, elle explore et découvre. Fan des créations de Viktor and Rolf, Jeremy Scott, et d’Alexandre Mac Queen (à qui l’on doit la tenue de cyber-geisha portée par Björk en couverture de son album Homogenic), elle a fait exploser la notoriété d’Alexandre/Mathieu en montant
les marches du Festival de Cannes, dans leur incroyable robe lampion rose. Excentrique et visionnaire, son look affole les magazines de mode qui guettent chacune de ses trouvailles. De la robe cygne au sac boule en peluche, Björk ose tout et apporte une bonne dose de crédibilité à chaque créateur qu’elle décide de porter.

L’Élu
Mariée et divorcée dans la foulée, avec Goldie, personnage sulfureux de la faune londonienne reconnaissable à ses dents en or, Björk a pris en secondes noces un homme plus respectable, l’artiste américain Matthew Bamey. Ancien mannequin, sportif de haut niveau et diplômé de l’université de Yale, monsieur Björk a tout bon. Artiste prolixe et primé, il est notamment l’auteur du film d’art en cinq parties The Cremaster Cycle, et fait l’objet d’une exposition à succès au musée d’Art moderne de la Ville de Paris : file d’attente de cent mètres le soir du vernissage.
Exposition Matthew Bamey, « The Cremaster cycle », jusqu’au 5 janvier 2003. Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 11, avenue du Président-Wilson, 75016 Paris, tél. : 01 53 67 40 00.
Nota : îe cremaster est ce petit muscle qui soutient les bourses.

L’Île
Née à Reykjavik en 1965, en quelques années de notoriété, Björk a fait de l’Islande une destination branchée où l’on va, pour 450 euros le week-end tout compris, faire la fête au milieu de nulle part. Fascinée par la nature étrange de son île, l’océan et les montagnes qui furent son terrain de jeux, Björk en fait l’un des thèmes récurrents de ses chansons, notamment dans ses albums Homogenic et Vespertine.

Les Satellites

Cartons ou fausses notes, tout ce que Björk a agité dans l’univers de la musique et de l’image pour se faire remarquer :

La Bande-Son
Premier album solo, Début, sort en 1993. Ambitieuse fusion de genres musicaux orchestrée par une voix hors du commun. L’album étonne et séduit le monde entier. Disque d’or aux États-Unis, de platine en Angleterre, il propulse Björk sur le devant de la scène internationale. Deux ans plus tard, l’Islandaise surdouée prolonge les expérimentations sonores dans Post, opus qui confirme son avant-gardisme et son audace. Désormais star mondiale, elle réalise Homogenic en 1997, un disque hyper-puissant et extraverti. Björk franchit le nouveau millénaire avec « Selmasongs », la bande-originale du film Dancer in The Dark. En 2001, elle surprend une nouvelle fois en sortant Vespertine, un album à l’opposé de tout ce qu’elle a fait auparavant. Jugé soporifique par certains, les vrais fans apprécient l’intimité qui s’en dégage.

La Bête de Scène
Pas de micro, pas de scène. En live à la Sainte-Chapelle de Paris, l’ovni islandais chante a capella, passe entre les rangs d’un public de VIP et privilégiés parmi lesquels, Lionel Jospin. Quand Björk donne un concert, il faut s’attendre au meilleur comme au pire. Assurant le plus souvent un show excentrique à l’image de son tempérament, elle se lance parfois dans des expérimentations décevantes ou ne reste sur scène qu’une heure.

Le Clap
Initialement, elle ne devait que composer la musique... Finalement, Björk tient aussi le rôle principal de Dancer in The Dark, comédie musicale tragique réalisée par Lars von Trier. Elle incame Selma, personnage introverti au destin dramatique. Un rôle pour lequel Björk se donne corps et âme : elle mettra six mois à s’en remettre. Pendant le tournage, ses relations avec Von Trier, réputé pour ses méthodes extrêmes et son caractère difficile, ont été cauchemardesques. Selma est le premier grand rôle de Björk et devrait rester le dernier. Malgré une reconnaissance internationale, elle a déclaré ne jamais plus vouloir faire l’actrice.

Clips Magiques
De Jean-Baptiste Mondino à Chris Cunningham, en passant par Paul White et Spike Jonze, Björk confie la création de ses vidéos à des réalisateurs pointus. Chaque clip est un univers au graphisme parfait. De toutes ses collaborations, celle avec Michel Gondry reste à ce jour la plus forte. Ses six vidéos pour Björk amorcent une carrière brillante : il a travaillé ensuite pour les Rolling Stones, Beck, Daft Punk, les Chemical Brothers...

Les Bons Génies
Björk sait s’entourer. Tricky, l’enfant terrible de Bristol et Nellee Hooper (déjà producteur de Debut), coproduisent Post. La pop star venue du froid invite les graphistes français Michael Amzalag et Mathias Augustyniak, plus connus sous le nom de M/M et actuels consultants artistiques pour le Vogue français, à réaliser la pochette de Vespertine et de son livre. Autres collaborations fécondes, celle avec Thom Yorke, leader de Radiohead, Harmony Korine, réalisateur prodige de l’underground américain ou Matmos, tandem bruitiste californien. Quant à son duo avec PJ Harvey sur le mythique « Satisfaction » des Stones à la cérémonie des Brit Awards en 1994, il est tout simplement devenu un collecter que les internautes s’arrachent sur le web.

Les Médailles
La France aime Björk. À tel point qu’en août 2001, Jack Lang, alors ministre de l’Éducation, lui décerne la médaille de chevalier de l’ordre national du Mérite. Quelques mois plus tôt, elle recevait le Prix d’interprétation féminine à Cannes pour son rôle dans Dancer in The Dark. Depuis le début de sa carrière, Björk a raflé plusieurs Brit Awards (équivalents britanniques de nos Victoires de la musique) et de multiples récompenses pour ses clips.

Le Déclic
Groupe islandais de pop alternative et déjantée, c’est en chantant au sein des Sugarcubes que Björk se fait connaître à l’international. Entre 1988 et 1992, elle enregistre trois albums avec eux avant de prendre son envol pour une carrière solo. Le groupe ne survit pas à son départ.

par Céline Perruche et Leticia Médina Juanco publié dans DS magazine

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