Earth Intruder La production de Timbaland utilise des parasites qui ne lui sont pas habituels, pour entrer dans les densités électroniques futuristes du passé de Björk. Qui du producteur merveille et du lutin mutin pousse le plus l’autre dans ses derniers retranchements ? Ce premier single, qui sample les likembés électriques de Konono N°1, va de tamtams stylisés à une transe de jeu vidéo. Donnant au passage raison à l’imagerie qui accompagne l’album : tribalismes inédits, traditionalisme ultra-personnel.
Wanderlust Une techno trop facile. Un remix avant l’heure. Le titre, produit par le complice de longue date Mark Bell, engloutit les cuivres – qui n’ont pas l’impudeur ostensible de la voix – dans les limbes d’un travail qui n’a même pas le courage d’être franchement rebutant. Il fallait mettre ce titre en fin d’album – s’il fallait vraiment le mettre.
The Dull Flame Of Desire L’union des voix de Björk et Antony fait à la première écoute des impressions de mariage arrangé. Mais les paroles traduites d’un poème de Fyodor Tyutchev prennent finalement leur envol sur un grand final martelé par les percussions de Brian Chippendale (de Lightning Bolt) : sept minutes ascensionnelles, tout en montées vers un envoûtement de magie blanche.
Innocence Timbaland pousse, et pousse encore, un beat qui va chercher dans un souffle humain synthétisé et dans les likembés torturés de Konono N°1 un matériau de propulsion pétaradant, un turbo rare. Une carlingue d’hyperespace qui survole dans un crachat de feu les émotions d’une Björk chantant les délices de la peur. Le titre le plus serré, crissant, de l’album.
I See Who You Are Libre, la voix de Björk ne suit ni ne précède la musique. Son phrasé têtu parcourt les détours d’une poésie qui vit pour elle-même. Le pipa de Min Xiao-Fen égoutte pourtant ses belles sonorités mouillées, les percussions aquatiques de Chris Corsano (comparse aussi de Sonic Youth) éclaboussent parfois un silence rendu présent, alors que l’ensemble de cuivres prend finalement le dessus. Un morceau de beauté fragile.
Vertabrae By Vertabrae Les cuivres tombent en grappes, et frappent à grands coups pour faire pénétrer leur dissonance anxiogène. « The beast is back » chante, puis crie, puis hurle, la diva. On prend peur, le sourire aux lèvres. L’intensité monte, toute carton-pâte qu’elle soit, réminiscente des talents de conteuse de Björk, et les boucles à suspens (tirées de la B.O. de Drawing Restraint 9) donnent la chaire de poule jusqu’à Bernard Herrmann.
Pneumoni Le moment en apesanteur de l’album. Les cuivres en dégradé portent dans leur chant la voix qui plus que jamais prend la place qui lui revient : ici rien n’est prêt à s’offrir au combat, tout est magnifiquement pacifique. Un faux a cappella, à plusieurs voix poétiques, humaines ou instrumentales. Le titre le plus simple, le plus beau.
Hope Au-delà des intentions louables, il faudra un peu de temps pour décider de la qualité de l’alliance des beats hélicoïdaux de Timbaland et des notes en arabesques de la kora de Toumani Diabaté. Reste que la musique impose son caractère inédit, sans pour autant avoir le front de prendre le pas sur une voix qui elle-même porte des questions, non plus esthétiques, mais philosophiques.
Declare Independence Le coup de sang de l’album. Des éraflures synthétiques, des démangeaisons saturées… Puis des déflagrations rythmiques aux couleurs organiques qui rappellent pourtant presque les extrêmes du gabber. Un chamanisme punk… Bravo. Un point d’exclamation.
My Juvenile Inviter Antony pour jouer, dans ce monologue, le rôle de la « conscience » : une idée qui a la force de l’évidence. Sa voix dédoublée endosse à la perfection les échos intérieurs d’une douce ode à la jeunesse qu’on laisse s’en aller. Les élans vocaux sont portés par un clavicorde seul : pure, plein, haut.